►Les immigrés et les résultats de Pisa – Enquête PISA pour l’OCDE
Dans la course aux coupables des mauvais résultats de la France dans PISA, certains médias n’ont pas hésité à troquer les enseignants pour les immigrés. Si la France chute ce serait la faute aux jeunes issus de l’immigration. Or les études de l’OCDE montrent que la situation des immigrés varie selon les pays et que ce n’est pas par hasard que la France a un problème sur ce point-là.
A situation économique égale, les immigrés de même origine ne font pas le même score dans les mêmes tests PISA. C’est rappelé dans Pisa 2012. Mais Pisa 2009 avait établi une autre dimension intéressante : les mêmes immigrés n’ont pas le même succès scolaire selon les pays d’immigration. Ainsi les Turcs scolarisés en Autriche ont des résultats très inférieurs alors que ceux qui sont scolarisés au Pays Bas sont 70 points au-dessus (presque deux années de scolarité !). Mais c’est vrai aussi pour les immigrés d’origine française. Les jeunes Français réussissent bien mieux en Suisse qu’au Luxembourg. Pour les Allemands il n’y a rien de pire que l’Autriche alors qu’en Suisse eux aussi s’en sortent bien. Comment expliquer cela ? Pour l’OCDE, c’est la preuve que les systèmes éducatifs nationaux jouent un rôle déterminant dans la réussite scolaire des immigrés.
Les politiques éducatives vis à vis des jeunes issus de l’immigration varient fortement selon les pays. En 2009, Deborah Nusche, de l’OCDE, avait énuméré les dispositifs qui fonctionnent. Certaines mesures dépendent de l’organisation du système éducatif. Ainsi laisser s’établir une ségrégation scolaire joue au détriment des enfants immigrés. L’étude mentionne par exemple la France et ses banlieues ghettos. La suppression de la carte scolaire ne suffit pas à faire diminuer la ségrégation. Les politiques menées pour soutenir des quartiers défavorisés, comme les Zep françaises, ne réussissent pas toujours. Enfin la préscolarisation des enfants immigrés est souvent inférieure à celle des autochtones. C’est le cas par exemple en France.
Au niveau de l’établissement c’est l’habitude des classes de niveau (ability grouping) qui est négative. L’appel à des enseignants issus de l’immigration a par contre un effet positif car ils sont perçus comme des modèles encourageants par les élèves. La taille des classes est aussi un facteur important : une petite classe a un impact réel sur les enfants venus de l’immigration. Faciliter l’éducation interculturelle, encourager la culture d’origine sont identifiés comme positifs. Tout comme l’ouverture de l’école à la communauté avoisinante et aux familles d’origine étrangère.
Si bien peu d’états cumulent ces politiques, le regard très technique porté par l’OCDE est involontairement sévère pour le système éducatif français. Car les arbitrages rendus ces dernières années vont dans le sens contraire d’une lutte réelle contre l’échec des enfants immigrés. Qu’il s’agisse de la suppression de la carte scolaire, de la masterisation qui éloigne du métier d’enseignant les enfants des familles modestes, de la taille des classes ou de l’ouverture aux communautés, les choix français devaient aggraver l’écart de résultat entre les enfants indigènes et les autres. Ils l’ont fait.
source : L’expresso du 06 décembre 2013 – François Jarraud