► E-learning : entreprises et salariés séduits par le modèle "just in time, just in case"
Son marché représentera près de 50 milliards de dollars en 2015 et d’aucuns persistent à le juger« inefficace », « trop complexe », « réservé aux plus jeunes » ou encore « trop coûteux ». En dépit d’une progression constante dans le monde de la formation, le e-learning persiste à générer un certain nombre d’idées reçues. Des clichés qui, à en croire Michel Diaz, directeur du cabinet Féfaur et rédacteur-en-chef de la E-learning Letter que ce mode de formation « commence à bousculer les conservatismes dont la vigueur commence toutefois à se déliter ». Le 4 décembre, les 11e rencontres de e-learning et de la formation mixte auront été l’occasion de contrer quelques-uns préjugés véhiculés par « les sceptiques du e-learning ».Alors, certes – et Michel Diaz l’aura rappelé – la formation à distance, lors de ses années de balbutiements, aura donné lieu à quelques échecs qui auront contribué à la mauvaise réputation de ce mode de formation. Le directeur de Féfaur aura ainsi évoqué quelques initiatives malheureuses, telle la propension à concevoir des cours d’une durée inadaptée de 40 ou 50 minutes, voire à se contenter de diffuser massivement des fichiers PDF en considérant leur consultation comme de la formation.« Exit, les modules dont la durée excède plus d’une heure. Il n’est pas rare de trouver aujourd’hui des contenus de quinze, dix, voire cinq minutes ! Exit aussi les contenus laids et ennuyeux au prétexte que la formation, c’est du sérieux ! Qui a dit qu’on ne pouvait pas conjuguer les deux ? » Il est vrai que le développement des technologies numériques (en matière de partage de vidéos, de transmission d’audios, créations d’univers virtuels ou de gestion de quiz destinés à l’évaluation des apprentissages suivis) aura permis le développement d’un rich learning, « apte à satisfaire les entreprises et les salariés les plus exigeants ». Et en ce qui concerne les éditeurs incapables de s’adapter à ce niveau d’exigence ? « Ils n’ont aucune excuse ! » tranche Michel Diaz, « les outils et les savoir-faire sont désormais connus de longue date ». D’autant que, si le prix d’un module e-learning demeure encore difficilement accessible à des entreprises de petite taille (compter près de 800 000 euros pour un programme de 14 heures de cours scénarisés), le développement de plateformes LMS [1] de type Saas (Sofware As A Service, service d’hébergement par abonnement qui remplace avantageusement l’achat d’un logiciel) garantit de plus en plus aux entreprises de pouvoir compter sur un prix « tout compris ». Ainsi, selon baromètre Ipsos sur le e-learning en Europe, 45 % des entreprises interrogées fixent à ce mode de formation l’objectif prioritaire d’optimisation des coûts.
« Just in time, just in case »
Si, encore aujourd’hui, 80 % du marché demeure trusté par le monde anglo-saxon (États-Unis en tête), les entreprises françaises deviennent de plus en plus sensibles au modèle « just in time, just in case » (« au bon moment, au bon endroit ») qui caractérise ce modèle de formation… et de business. Des séances de formation courtes, personnalisées qui séduisent les entreprises et leurs collaborateurs, parfois lassés du présentiel, particulièrement dès lors que déplacements, hébergement et restauration sont au programme. Sans compter que, parfois, de telles solutions se révèlent impossibles, comme ce fut le cas au sein d’Eurovia, une filiale du groupe Vinci, qui, a dû former près de 2 000 de ses collaborateurs au passage du test CACES R372m (relatif à la sécurité des engins de chantier) alors que ceux-ci étaient mobilisés sur le chantier de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux. « Les contraintes liées à la saisonnalité – le test doit être passé en hiver, dans des conditions météo particulières – et à l’impossibilité de rassembler autant de monde pour des formations présentielles nous a imposé le recours au e-learning », se souvient Olivier Reboul, responsable e-learning au sein de Vinci. Autant de contraintes qui l’auront poussé à renoncer aux cours théoriques en salle pour privilégier la solution blended. « Nous nous adressions à un public d’ouvriers, aussi il était important de tout miser sur des formations-métiers aptes à les convaincre ». Mais ceux qui furent alors moins convaincus furent les cadres de l’entreprise : « ils pensaient que le e-learning ne correspondait pas aux attentes des ouvriers… Là aussi, il a fallu lutter contre un certain nombre de préjugés ». Pour des raisons de coût, l’équipementier s’est alors tourné vers une solution Saas et d’un programme construit autour de 24 heures de cours, en modules susceptibles d’être suivis par demi-journées. « Un rythme qui correspondait à leurs activités quotidiennes et qui s’est traduit, finalement, par des taux de réussite oscillant entre 72% et 98% » précise Olivier Reboul. Avec, cependant, quelques problèmes rencontrés de par la méconnaissance des outils informatiques ou les situations d’illettrisme au sein des équipes. Problèmes en partie réglés par le soin apporté au tutorat au point que les formations e-learning de Vinci comprendront désormais systématiquement des accompagnements tutoraux.
Un dispositif mixte pour les cadres hospitaliers
De blended-learning, il en fut également question à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis la signature, en 2010, de la circulaire relative aux modalités des comptes rendus des entretiens d’évaluation annuelle par les cadres hospitaliers. « L’Assistance publique n’avait, alors, aucune expérience du e-learning et la formation à dispenser à 4 500 cadres a été l’occasion de la déployer en notre sein »explique Catherine Vialle Judeaux, chargée de développement RH au sein de la fonction publique hospitalière. Et là, aussi, les réticences de départ furent importantes : « l’AP-HP consacre 3,9 % de sa masse salariale, soit 84 millions d’euros annuels, à la formation de ses personnels. Or, la formation présentielle est particulièrement ancrée dans notre école des cadres ». En 2006, déjà, une première tentative d’imposer le e-learning s’était soldée par un échec cuisant. « Il pouvait arriver que, des mois durant, notre module e-learning n’affiche pas la moindre connexion… » regrette-t-elle. Quatre ans plus tard, néanmoins, un nouveau dispositif, centré sur les entretiens d’évaluation, a été tenté, au rythme de neuf modules (sept sur étagère, deux conçus spécifiquement sur l’AP-HP) qui aura demandé une importante sensibilisation des personnels. Surtout, le mélange de formation en ligne et de formation présentielle, a été privilégié afin de ne pas réitérer l’échec précédent. Une formation présentielle qui achevait le cycle de formation puisque celui-ci, en deux étapes, prévoyait de laisser les cadres hospitaliers se former à leur rythme, durant 45 jours. Au programme, 4h30 de contenus pédagogiques développés, suivi de deux journées en salle, en présence d’un formateur, mais également d’un serious game permettant aux formés d’ « échapper à l’exercice du jeu de rôle qu’ils ne supportent plus ». À l’heure actuelle, 2500 d’entre eux ont déjà été formés et le taux de satisfaction exprimé s’élève à 92 %.
Deux exemples qui amènent Michel Diaz à voir « la transformation majeure » induite dans la conception de la formation par les processus e-learning ou mixtes. « Le schéma canonique du e-learning en hors d’œuvre, du présentiel en plat de résistance et du e-learning en dessert passe de mode. Les dispositifs les plus sophistiqués et les plus innovants voient le jour, créant un nouvel équilibre entre présentiel / à distance / asynchrone / synchrone et formel / informels. Les départements formation et RH y trouvent également une opportunité fantastique de conjuguer, formation, information et collaboration en jouant, notamment, l’ouverture aux réseaux sociaux. Rien de tel pour fédérer une communauté d’apprenants ».
[1] Learning Management System.
Le 05 décembre 2012, par Benjamin d’Alguerre – l’Actualité de la formation